Michel Lejeune, 1907-2000

 

Michel Lejeune est décédé le 28 janvier 2000. A deux jours près, il allait avoir 93 ans. Il sera enterré demain, 1 février, dans l'intimité.

C'était un savant de tout grand format. Il l'était dans bien des domaines: linguistique grecque, mais aussi italique, celtique, phrygienne, étrusque (sans compter d'autres langues encore), histoire des écritures, comparatisme indo-européen.

C'est surtout dans le secteur mycénien que son nom est le plus connu. En effet, M. Lejeune avait joué un rôle important dans les études mycéniennes. D'abord, il avait eu la lucidité de percevoir, d'emblée, l'exactitude du déchiffrement du linéaire B par M. Ventris assisté par J. Chadwick : la première publication de Lejeune sur le sujet paraît dès 1954 (alors que le déchiffrement avait eu lieu, rappelons-le, en juin 1952 et que Evidence for Greek Dialect in the Mycenaean Archives date de 1953). M. Lejeune sera l'instigateur et le président du premier Colloque mycénien, celui de Gif-sur-Yvette (France) en 1956 (ce Colloque laissera sa marque au point que l'on évoque encore maintenant l'"esprit de Gif"). Et Lejeune deviendra très vite l'une des références essentielles de la mycénologie.

M. Lejeune a eu une fécondité scientifique hors du commun : plus de 300 articles; une vingtaine de livres, dont plusieurs devenus de véritables classiques. Il n'y a pas que le nombre de ses publications, il y a aussi leur qualité, exceptionnelle, et qui faisait que ses écrits constituaient une référence. Le grand âge n'avait pas arrêté sa productivité: il y a trois ans à peine (1997), il faisait paraître ses Mémoires de Philologie mycénienne quatrième série (1969-1996), qui reprenaient non seulement des travaux déjà publiés, mais trois articles inédits consacrés aux nouvelles tablettes thébaines découvertes par Vassili Aravantinos.

J'aimerais aussi évoquer l'homme et le professeur. Malgré d'innombrables tâches, M. Lejeune était généreux de son temps et de sa compétence. Je me souviens avec émotion et reconnaissance des longs moments qu'il a passés à lire les feuilles de mon doctorat (qu'il avait accepté de diriger) et à discuter avec moi - et j'étais loin d'être le seul qu'il faisait ainsi bénéficier de son immense compétence - Lejeune constituait un modèle: de rigueur, de largeur de vues, d'érudition intelligente. Quelles leçons suscitaient ses cours ou la moindre de ses réflexions!

Merci, très cher Maître, pour tout ce que vous nous avez donné. À votre épouse, à vos enfants (et à leur descendance), toute notre sympathie émue.

Yves Duhoux via e-mail, 1.2.2000


02.05.2001